Dans l’ouvrage Histoire naturelle de Pline du célèbre écrivain et naturaliste romain, Pline l’Ancien, dont on trouve la traduction française dans la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France – Gallica –  on retrouve des informations sur le goût de certains oiseaux. Par exemple, il dit à propos de la langue du phénicopère (flamant rose) qu’elle a « un goût exquis ». Il évoque un peu plus loin le cormoran, mais sans pour autant dire si l’oiseau a bon goût.

En 1839, Elzéar Blaze évoque également plusieurs manières de manger différents oiseaux dans le livre Le chasseur au filet ou la chasse des dames : contenant les habitudes, les ruses des petits oiseaux, leurs noms vulgaires et scientifiques, l’art de les prendre, de les nourrir et de les faire chanter en toute saison, la manière de les engraisser, de les tuer et de les manger. S’il évoque toutes sortes d’oiseaux, il ne parle pas de cormoran.

En janvier 1998, le journal irlandais The Irish Times se posait aussi la question sur la comestibilité du cormoran dans l’article Yes, people do eat cormorants. On peut traduire cet article comme ceci : « Avez-vous déjà mangé un cormoran ? » était la question posée à la fin d’un article récent sur cet oiseau. Ronan Henderson, de Roundstone, dans le Connemara, nous écrit pour nous dire que ce n’est pas le cas, mais qu’il a parlé à quelqu’un qui en avait l’habitude. « Il y a de nombreuses années, alors que je commandais un navire entrant à Bergen en Norvège, nous avions à bord un pilote local qui m’a dit qu’il aimait la chasse et qu’il avait hâte d’abattre quelques oiseaux au cours du week-end à venir. Je lui ai demandé quel genre d’oiseaux il recherchait […]. Au détour d’un virage, il m’a montré un groupe de cormorans qui séchaient leurs ailes déployées sur un rocher. J’étais stupéfait et lui ai demandé s’ils n’étaient pas durs et poissonneux… Il m’a répondu que non, parce que la graisse se trouvait dans et sous la peau. Il a entièrement dépouillé l’oiseau et, je crois, l’a mis dans une saumure faible pendant quelques heures. Puis, il l’a disséqué et l’a fait cuire à la casserole ou à la marmite avec les légumes habituels. Il a fait venir ses amis, ils ont bu de l’akvavit et mangé l’oiseau. » Notre ami de Roundstone a dit au pilote que d’où il venait, le cailleach dubh [nom du cormoran en irlandais] ne figurait pas en bonne place sur la liste des mets délicats et il m’a dit que nous ne savions pas ce que nous manquions. « Je me demande si c’était vrai », écrit M. Henderson.

Le 30 avril 2003, l’article Le cormoran revient de loin, paru dans le journal breton Le Télégramme, évoque ce fameux ragoût de cormoran dont vous parlez : « Le ragoût de cormoran (friko-morfaout) est en fait l’un des éléments constitutifs de l’identité insulaire. Cette viande d’un beau violet foncé est coriace, aussi on met l’oiseau, suspendu par le bec ou les pattes, à faisander trois ou quatre jours. Puis on le plume, on l’écorche (car il est très gras) et on le fait cuire pour le consommer soit en matelote, soit en pâté, soit grillé. »

Il semble donc que les Bretons insulaires mangeaient cet oiseau jusqu’au 19e siècle.

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